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Supermamans : Le réseau suisse qui brise la solitude des parents par le « bichonnage »

today19 décembre 2025

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Le post-partum est souvent décrit comme une période de bonheur intense, mais pour de nombreuses familles en Suisse, c’est aussi le début d’un isolement social profond. Entre les couches, les nuits hachées et la perte de repères, le « village » autrefois présent pour entourer les parents semble s’être évaporé. C’est ici qu’intervient l’Association Supermamans. Depuis dix ans, cette organisation citoyenne réinvente l’entraide de proximité à travers un concept aussi simple que révolutionnaire : le bichonnage. Entretien avec ceux qui cuisinent pour changer le monde, un repas à la fois.

La solitude parentale : le tabou du post-partum en Suisse

Devenir parent en 2025 est un paradoxe. Nous sommes plus connectés que jamais, et pourtant, l’isolement des jeunes mamans (et des papas) n’a jamais été aussi prégnant. En Suisse, où le modèle de la famille nucléaire prédomine, le retour à la maison après la maternité peut s’apparenter à une plongée en apnée.

C’est ce constat qui a poussé Elisa Kerrache à fonder l’association Supermamans il y a une décennie. Alors qu’elle était elle-même en congé maternité, elle réalise que le soutien communautaire fait défaut. Rien n’existait en Suisse pour combler ce vide entre le suivi médical et la solitude du foyer. Armée d’un simple document Word et d’une page Facebook, elle a posé les jalons de ce qui est aujourd’hui une institution reconnue d’utilité publique.

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Qu’est-ce que le « Bichonnage » ? Une philosophie du soin

Au sein de l’association, on ne parle pas de « livraison de repas », mais de bichonnage. Ce terme, presque affectif, porte en lui toute la philosophie de Supermamans.

Bien plus qu’une aide logistique

Bichonner, c’est prendre soin de l’autre de manière désintéressée. Le principe est simple : un bénévole (une « Maman Cadeau » ou un « Papa Cadeau ») prépare un repas équilibré pour toute la famille et l’apporte à domicile. Mais l’essentiel est ailleurs. Le bénévole reste sur place, le temps nécessaire, pour discuter, écouter et échanger.

Créer du lien social autour d’une assiette

L’objectif est de dire à la maman : « Tu n’es pas seule ». Dans une société où tout doit être productif, offrir du temps et un repas fait maison est un geste d’une puissance rare. Cela permet aux parents de :

  • Se décharger de la charge mentale du repas.
  • Retrouver une interaction sociale avec un autre adulte.
  • Sortir de la bulle « couches-biberons » le temps d’une soirée.
  • Créer des amitiés durables (il n’est pas rare que le lien survive bien après la période de bichonnage).

Les 4 piliers d’intervention de Supermaman

L’association a structuré ses services pour répondre à chaque situation de vulnérabilité liée à la parentalité. Voici les quatre prestations phares qui font la force du réseau :

1. Le bichonnage classique (Post-partum)

C’est la demande la plus fréquente. Elle concerne les familles accueillant un nouveau-né. Durant les six premiers mois suivant le retour à la maison, la famille peut solliciter le réseau pour recevoir ces moments de soutien. C’est la période critique où l’épuisement guette et où le soutien est vital.

2. Le soutien prénatal (Menace d’accouchement prématuré)

Parce que la difficulté peut commencer avant la naissance, Supermamans intervient dès la 24ème semaine de grossesse. Si une future maman est alitée ou doit limiter ses déplacements pour raisons médicales, les bénévoles prennent le relais pour assurer les repas et apporter une présence réconfortante.

3. Le bichonnage de soutien (Santé mentale et deuils)

La parentalité connaît parfois des trajectoires douloureuses. L’association propose un suivi renforcé en cas de :

  • Dépression post-partum : Un trouble souvent invisible mais dévastateur.
  • Deuil périnatal : Pour entourer les parents dans cette épreuve indicible. Ce soutien peut être activé jusqu’à un an après la naissance ou l’événement.

4. Le bichonnage proche-aidant

La maladie grave, un accident ou une opération touchant un parent ou un enfant peut faire basculer l’équilibre familial. Ce service s’adresse aux familles qui doivent gérer de front les soins médicaux et le quotidien domestique.

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Photo by Xavier Mouton Photographie

L’impact psychologique : Prévenir la dépression post-partum

Au-delà de l’assiette, l’impact de Supermamans est profondément psychologique. Des études scientifiques soulignent de plus en plus l’importance du soutien social dans la prévention des troubles de la santé mentale périnatale.

En gardant un contact avec la réalité et avec d’autres adultes, la maman évite l’effondrement que peut provoquer l’épuisement maternel (burn-out parental). L’adage est clair : « Des parents qui vont bien, ce sont des enfants qui vont bien. » En prenant soin des parents, l’association investit indirectement dans le bien-être de la future génération.

Un réseau bénévole aux profils variés

Qui sont ces « anges gardiens » qui cuisinent pour les autres ? Contrairement à ce que le nom de l’association pourrait suggérer, le réseau est d’une grande mixité. On y trouve :

  • Des mamans expérimentées souhaitant transmettre leur soutien.
  • Des femmes n’ayant pas d’enfants mais désireuses d’aider.
  • Des papas et même des grands-papas.
  • Des jeunes retraités cherchant une activité porteuse de sens.

L’engagement est flexible. Souvent, le bénévole prépare simplement une portion supplémentaire de son propre repas familial. C’est cette simplicité qui permet au réseau de perdurer.

Une association accessible et indépendante

Ouvert à tous les budgets

Une précision de taille : le service de Supermamans n’est pas réservé aux familles en difficulté financière. La solitude ne choisit pas sa cible selon le solde du compte en banque. Que vous habitiez une villa luxueuse ou un petit appartement, le besoin de reconnaissance et de partage reste le même.

Un modèle basé sur le don

L’association ne reçoit aucune subvention étatique (Canton ou Confédération). Elle survit grâce aux dons privés, aux appels à projets et à la générosité de familles autrefois bichonnées qui souhaitent « rendre la pareille ». Reconnue d’utilité publique, elle permet d’ailleurs aux donateurs de bénéficier de déductions fiscales.

L’avenir de Supermamans : Technologie et célébrations

Après dix ans d’existence, l’heure est au développement. L’association ne compte pas s’arrêter en si bon chemin :

  1. Une application mobile : Pour 2026, un outil numérique permettra de fluidifier les contacts entre bénévoles et familles, rendant l’organisation des bichonnages plus rapide et intuitive.
  2. L’expansion géographique : Si la barrière des langues est un défi, l’ouverture vers la Suisse alémanique et le Tessin reste un objectif à long terme.
  3. Le Salon de la Parentalité : Pour marquer ses 10 ans, l’association organise un événement d’envergure les 21 et 22 novembre 2026 à Conthey (Valais). Un rendez-vous incontournable pour tous les acteurs de la famille en Suisse.

Conclusion : Redonner du sens au mot « Communauté »

L’Association Supermamans nous rappelle une vérité fondamentale : l’être humain est un animal social. Dans une époque marquée par l’individualisme, ces repas partagés sont des actes de résistance poétique. Ils prouvent qu’avec un peu de temps, de la bienveillance et une bonne recette, on peut transformer la solitude en une aventure humaine solidaire.

Informations pratiques :

  • Site internet : www.supermamans.ch
  • S’inscrire : Vous pouvez demander à être bichonné via le formulaire en ligne (la demande doit impérativement venir de la famille elle-même).
  • Devenir bénévole : Contactez l’antenne de votre région via le site web.

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Écrit par: Marine Ulzio